Enfin, et surtout, ces études sur la génétique des troubles psychiques aboutissent toutes à constater que l’environnement joue un rôle considérable, puisque des monozygotes ayant le même patrimoine chromosomique vont évoluer fort différemment, selon leur contexte relationnel. Cette évidence à laquelle tous ces travaux aboutissent n’empêche pas, encore une fois, le peu d’intérêt porté à cette dimension pourtant décisive par ces études neuro « scientifiques » !
Enfin l’idée que les deux facteurs, génétiques et environnementaux serait à l’œuvre dans le déclenchement de ces problèmes est peut-être parfois vraie. Mais aucun travail scientifique ne peut affirmer avec quelle fréquence ce lien existerait. La voie reste complètement ouverte à toutes les hypothèses, les une purement d’ordre relationnelles, les autre organiques, pourquoi pas. Dans toutes les études réelles, ces dernières sont pour le moment très minoritaires. Tout ceci alors même que les rares études sur l’impact de l’environnement seul sont pour le moment extrêmement parlantes et significatives[6] !  
Une équipe de chercheurs des universités de Liverpool (Royaume-Uni) et de Maastricht (Pays-Bas) s’est penchée sur l’analyse des résultats de plus de 30 années d’études (soit plus de 27 000 documents) concernant l’association des traumatismes infantiles et l’apparition de la psychose.
Ils ont pu dégager 3 grands types d’études ; celles portant sur les enfants ayant surmonté un traumatisme, celles ayant été conduites dans la population générale et enfin, un dernier type d’étude avec interrogatoire des patients schizophrènes sur leur passé.
Toutes ces études aboutissent à la même conclusion. Les enfants ayant vécu un traumatisme avant l’âge de 16 ans ont 3 fois plus de risque de développer un trouble psychotique à l’âge adulte.
De plus, ils ont pu mettre en évidence une relation entre le niveau de traumatisme et la probabilité d’apparition de la psychose. Ainsi, les enfants avec un traumatisme sévère auraient 50 fois plus de risque que ceux ayant subi un traumatisme moindre.
On aimerait que les sommes dévolues à la recherche soient équitablement réparties entre ces deux plans, l’organique et le relationnel !
Dommage, imaginons tout le travail de prévention si on trouvait là quelque chose de significatif. On est dans la même situation que si on évitait d’étudier les causes d’un accident d’avion pour ne pas contrarier tel ou tel constructeur ! Ou si les avionneurs étaient trop liés au pouvoir ! Bon, ça c’est vu, et on a aussi vu la répétition des catastrophes. Le drame que cela représente pour les parents, ô combien respectable, ne devrait cependant pas orienter recherche, discours universitaire et politique, comme on le voit en France. Qu’on pense seulement à l’utilité d’une prévention si des éléments d’interaction parentaux étaient trouvé… Nous dirons nos hypothèses à ce propos plus loin dans ce travail.
Mais laissons la conclusion aux généticiens eux-mêmes, lorsqu’ils restent au plus près de la réalité de leurs études[7]
Soixante ans après sa caractérisation par Léo Kanner puis par Hans Asperger, les causes majeures du syndrome autistique restent toujours inconnues. Bien qu’un quart des cas d’autisme soit associé à des affections connues, les trois quarts restants demeurent idiopathiques.Cependant, les études sur les couples de jumeaux, réalisées durant les années 1970-1980, ont permis de déceler une forte influence génétique dans l’apparition de ce syndrome.
Nous avons vu plus haut ce qu’est exactement cette « forte » influence, en réalité probablement assez faible.
Ainsi, les approximations, les distorsions de la réalité scientifique sont foisons dans l'exposé des causes organiques des psychoses, où il est usuel de prendre l'exception pour la règle. Par exemple, on trouve dans quelques études (pas toutes en outre) le constat que le corps calleux est hypotrophié chez 30% des patients. Ce qui circule chez les médecins est dès lors que le corps calleux est hypotrophié dans la schizophrénie… Le glissement sémantique, là encore est fort, et est malhonnête scientifiquement, puisque 70% d’entre eux ne présente pas cette particularité. Il est quasiment constant dans les publications, alors que nul à l'heure actuelle ne peut affirmer que cette différence qui n’est que parfois constatée soit cause ou conséquence du trouble. Le cerveau est en réalité un organe dont le développement est épigénétique[8], et qui ne cesse de se modifier la vie durant, y compris lors de psychothérapies, comme l’a bien montré Gérard Pommier.[9]
 
Enfin, une méta étude récente[10] basée sur des IRM faites lors d’un premier épisode psychotique montre entre 5 et 15 % d’anomalies cérébrales, dont beaucoup liées à des maladies purement neurologiques à expression psychiatrique. Ainsi à peu près 90 % des patients sont donc indemnes de toute pathologie visible au départ de leur trouble. Cette étude fort parlante n’est pas le fait de neuro-scientifiques, mais est parue dans une revue de radiologie, il convient de le noter !
 
En tout cas, le contraste est saisissant entre la faiblesse des résultats obtenus par la biologie dans ce domaine du trait psychotique, et la force avec laquelle le milieu médical et journalistique répète que tout cela est génétique ! Qu’on s’entende bien cependant : si l’autisme était une maladie génétique bientôt guérissable grâce aux progrès des thérapies géniques, ce serait une excellente nouvelle. Je pose simplement qu’au jour d’aujourd’hui, cette piste est ténue, et qu’il est dommage qu’aucune recherche n’explore sérieusement les interactions précoces entre parents et enfants ! Encore une fois, si des éléments étaient retrouvés, une politique de la petite enfance serait possible, non pas pour détecter le trouble, comme actuellement, mais pour le prévenir… Nous parlerons plus loin dans ce travail des pistes à explorer dans ce domaine.
 
Au terme de cette partie, il conviendra de faire un point sur ces questions « d’évidence », de « réalité scientifique », de « preuves indiscutables » sur la pathogénie biologique des traits psychotiques. On verra comment la croyance chez les thérapeutes en ces pseudo vérités influence en fait négativement l’évolution de ces patients.
 
 
La psychanalyse
 
La psychanalyse, jusqu’alors, quant à elle, ne parvient pas non plus à proposer un élément stable et clairement défini pouvant montrer un item clair et constant autour du trait psychotique. 
 
Freud n'avait pas de théorie convaincante à ce propos, supposant simplement une anomalie biologique : une exagération de la faiblesse du moi, sous forme d’une prédisposition[11].
Quand le sujet a conscience du contenu de ses idées et affects mais aussi de leurs origines, il est peu étonné qu’un autre puisse les deviner. Il s’agit là, selon Freud, du fonctionnement normal du mécanisme de la projection. En revanche, lorsque le sujet oublie l’origine intérieure de ses propres idées et affects, car intolérables, il attribue à un autre leur contenu : c’est là le mésusage paranoïaque de la projection. Puis, Freud se demande si ce mécanisme fonctionne à l’identique dans d’autres cas de paranoïa. Il estime que d’une manière générale […] la ténacité avec laquelle le sujet s’accroche à son idée délirante est égale à celle qu’il déploie pour chasser hors de son moi quelque autre idée intolérable. Ces malades aiment leur délire comme ils s’aiment eux-mêmes. Voilà tout le secret [de ces réactions].?[13] Freud assimile donc le délire psychotique à une réaction psychique défensive possédant un aspect narcissique. Il l’interprète sur le modèle du symptôme névrotique : le délire serait un retour du refoulé.

 
Pour conclure, soulignons que l’approche freudienne de l’entrée dans la psychose repose sur un modèle causal classique nécessitant deux implications : une prédisposition psychotique[12] et un événement devant lequel le sujet réagit grâce à un mécanisme de défense identique au mécanisme psychique déterminant la structure psychotique. La psychose freudienne se particularise donc par une structure dont le déclenchement, « un Ausbruch, un éclatement de la psychose, comme le soulignait déjà Freud dès le Manuscrit H de 1895 » intervient « devant un événement repérable comme déclencheur.?[48]Cependant, ce mécanisme reste obscur, Freud ne parvenant pas à dégager ses propriétés distinctives. Freud lui-même […] semble avoir de plus en plus douté, comme il le confie en 1915, que le processus nommé refoulement dans la schizophrénie ait quoi que ce soit de commun avec le refoulement dans les névroses de transfert, c’est pourquoi il s’efforça de dégager la spécificité d’un mécanisme psychotique. Le concept de “Verleugnung”, plus rarement celui de “Verwerfung”, furent les principaux utilisés à cette fin.?[49] Dans les années vingt, Freud avance le concept de Verleugnung traduit par déni, démenti ou désaveu, après celui de Verwerfung habituellement traduit par rejet dont les premières occurrences datent de 1894. Si Freud ne put concevoir un mécanisme original de la psychose, il en jeta les bases nécessaires ayant « défriché le terrain en cernant ce point resté vacant dans la théorie psychanalytique…
Au fond, les deux échecs de Freud avoués par lui-même à la fin de son œuvre fort honnêtement d’ailleurs furent cette question de la psychose et celle du désir de la femme ! Sans doute est-ce pour une  même raison, commune à ces deux énigmes ! Dans le trait psychotique, on veut la vérité sur soi, car on rejette un doute insupportable, donc ce qu’on est dans son intolérable réalité, et pour Freud la femme voulait aussi ce qu’elle n’avait pas, ce qu’elle n’était pas, soit l’idéal phallique, comme si être une simple femme était en soi insupportable ! C’est bien l’idée que l’identité puisse être un objet, un état stable qui supprime le doute qui est l’erreur commune à ces deux plans.